Jied AOUIJ, Directeur Général de FEMCO, conseiller en sécurité défense et marchand d’armes tunisien, à la Presse : « Pour un partenariat public-privé afin de débloquer la situation du secteur de l’armement »

« Si vis pacem para bellum » (qui veut la paix, prépare la guerre). De nos jours, cette phrase prend tout son sens, surtout dans le contexte géopolitique mondial. L’univers de l’armement reste tabou dans notre société. C’est dans ce cadre que nous avons contacté M. Jied Aouij, directeur général de Fournitures équipements militaires company (Femco), conseiller en sécurité défense et marchand d’armes tunisien. Interview.

Quelle est la situation actuelle de l’industrie de l’armement en Tunisie ?

Il faut rappeler que le domaine de l’armement en Tunisie est un monopole de l’Etat. Aborder ce sujet en dehors de la sphère des ministères concernés, à savoir celui de la Défense et de l’intérieur, est encore tabou. Maintenant, pour parler de l’industrie de l’armement proprement dite : il est nécessaire de dire tout haut qu’elle est utile, et même un besoin urgent.  Ce qui m’a réconforté c’est le «ressenti» que j’ai relevé auprès de plusieurs responsables et décideurs de l’Etat et des corps de métiers. Tous sont unanimes pour passer au stade d’une production nationale assurant les besoins fondamentaux de notre stratégie de défense couvrant tout notre territoire.

 Développer une industrie militaire en tant que telle avec des structures solides et durables de productions et de ventes nécessite une volonté et un grand sens de la responsabilité. En effet, ce développement a facilité à changer les lois existantes, encourageant l’investissement dans la recherche, le développement et la production. Ce qui nécessite des compétences et de gros apports financiers. Notre avantage c’est que tous ces éléments existent chez nous.

Il n’y a pas mieux que le partenariat public-privé pour débloquer la situation. Je cite en exemple la construction d’une frégate, d’un véhicule transporteur de troupes «le barbe» et même de drone. Ce début bien réussi est un véritable précurseur pour mettre les bases dans ce secteur. Le tout est une question de confiance en nous-mêmes. Je ne cesse de me battre pour cela. Notre autosuffisance en matière d’armement est primordiale pour notre liberté, notre souveraineté et notre indépendance territoriale. Il faut que les politiques et nos décideurs prennent conscience de la nécessité d’industrialiser le secteur de l’armement. 

Cet appel n’est pas un signe d’exclusion de toute collaboration et partenariat avec des pays amis, mais bien au contraire, une industrie militaire maghrébine est vraiment souhaitée mais reste une problématique sur le long terme.

En tant que conseiller en sécurité défense, quelles sont les premières conclusions qu’on pourrait tirer de l’invasion de l’Ukraine par la Russie ?

D’abord, il faut savoir que la guerre n’a d’intérêt que si elle permet d’atterrir sur un processus politique. En effet, cette dernière permet un changement de la phase stratégique. Le levier de la force redevient un des leviers les plus importants dans la résolution des crises internationales et donc ce n’est pas la voie du dialogue et de la diplomatie qui résout les crise. C’est la force.

Il faut arrêter de croire que le monde est certain et que l’histoire est linéaire.

On doit apprendre à vivre et à penser avec une épée de Damoclès d’incertitude stratégique au-dessus de la tête car la géopolitique change ; elle n’est pas figée et les intérêts changent avec elle.

En tant que marchand d’armes, quelles sont les conséquences de cette guerre dans le secteur de l’armement ?

Actuellement, nous faisons face à une augmentation des prix et des délais, ce qui aura des conséquences sur les livraisons, et les prix devront être ajustés.

Cette crise rappelle combien une industrie de défense souveraine est fondamentale. Donc, il faut réagir très vite et créer une LPM (Loi de programmation militaire).

Je relance encore une fois le sujet et je demande aux autorités compétentes de mettre à jour la loi sur les armes afin de permettre de faire l’industrie militaire en partenariat public-privé.

Que ne vive point en Tunisie quiconque la trahit,

que ne vive point en Tunisie qui ne sert pas dans ses rangs.

Vive la Tunisie, vive la partie.

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